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Balade en Aveyron : la Vierge de Pitié de Carcenac et la sculpture gothique

Outre le retable déjà évoqué dans un précédent post (ici), l'église de Carcenac-Salmiech referme "une des oeuvres les plus importantes du Rouergue", d'après Gilbert Brou. Cette sculpture probablement réalisée à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, représente une Vierge de Pitié, thème très en vogue à la fin de l'époque gothique. Mais de quoi s'agit-il au juste ?


Après la guerre, le renouveau des arts et des commandes

La fin du Moyen âge est marquée par un contexte difficile : la Guerre de Cent ans (1337-1453) ravage le pays, des bandes de routiers pillent les campagnes, les famines et les épidémies s'enchainent. La Peste Noire qui frappe l'Europe à partir de 1346 cause des millions de morts à travers l'Europe. Elle apparait alors comme une punition divine contre les méfaits des Hommes et contribua au développant des superstitions et des cultes de saints.


La fin du XVe siècle (après la fin de la guerre) se caractérise donc par un retour au calme, à la sécurité et à la prospérité économique. Les reconstructions et agrandissements d'églises se multiplient de même que les commandes artistiques. Dans le Rouergue de cette fin du Moyen Âge, les comtes de Rodez, les évêques et d'autres seigneurs fortunés jouent les mécènes : les travaux de la cathédrale de Rodez - débutés en 1227 - reprennent après 1440 avec l'achèvement du chœur et de sa voûte, puis le lancement de la construction du transept et des travées orientales de la nef ; les comtes de Rodez commandent des oeuvres pour le couvent des Cordeliers où ils ont leur tombeau familial...


Une nouvelle iconographie

Danse macabre sur les murs de l'église de La Chaise-Dieu (Haute-Loire)


L'art de cette fin du Moyen Âge est marqué par le contexte de l'époque et traduit les inquiétudes des Hommes. La mort et la douleur sont des hommes privilégiés par les sculpteurs : c'est l'époque des Danses macabres, comme celle de l'église de La Chaise-Dieu (Haute-Loire). Toutefois, le thème de la mort n'est pas toujours évoqué comme un drame : la mort est finalement perçue et vécue par les Hommes du Moyen Âge comme un passage vers la vie éternelle. La mort et la douleur rapprochent de Dieu, il faut les accepter avec résignation.

Les représentations de saints, intercesseurs (médiateurs) auprès de Dieu, se multiplient : à Belcastel, les statues de Marie-Madeleine, saint Christophe et saint Étienne datent de cette époque.

Mais un nouveau va également apparaître au début du XIVe siècle et se répandre dans toute l'Europe : la Vierge de Pitié. Il s'agit d'une représentation d'un épisode inédit de la Passion du Christ. Le Nouveau Testament raconte comment Jésus est condamné à être crucifié et détaille tout son "voyage" jusqu'au sommet du Golgotha en portant la croix sur laquelle il est ensuite attaché. Après sa mort, son corps est dépendu puis déposé dans son tombeau. Ces différents épisodes sont très souvent représentés dans les arts. Mais le passage où la Vierge éplorée serre contre elle le corps sans vie de son fils avant de l'enterrer est tout à fait inédit. Il permet aux artistes de représenter la douleur de la Vierge face à la mort de son fils. Ce thème inédit est originaire du nord de l'Europe. Alors qu'on y représente la Vierge éplorée, désespérée face à la mort, les artistes méridionaux privilégient quant à eux des expressions plus sereines.


La Vierge de Pitié de Carcenac

Cette statue proviendrait du couvent des Cordeliers de Rodez et serait donc une commande des comtes de Rodez. Elle aurait été rapporté à Carcenac au début du XIXe siècle par Hippolyte de Barrau (probablement avec le retable).


Auprès de la Vierge qui porte sur ses genoux le Christ, saint Jean soutient la tête du mort et Marie-Madeleine lui essuie les pieds. Les visages de tous les personnages sont calmes, empreints de sérénité, seuls celui de Jean manifeste véritablement sa douleur. Les gestes des personnages sont calmes et pleins de tendresse.


Vraisemblablement réalisée à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, cette sculpture traduit l'arrivée en France de la Renaissance, notamment par le souci du sculpteur de se rapprocher de la réalité, en particulier celle des corps. Sur le corps du Christ, à demi-nu, l'artiste a rendu les muscles saillants, les veines gonflées (notamment celles du bras soutenus par la Vierge). Les drapés des vêtements ont été soigneusement étudiés et représentés.




Pour en savoir plus sur la sculpture gothique aveyronnaise : Gilbert Brou, Sculpture gothique en Rouergue, Rodez, 1971



Et pour finir un coloriage...



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